Mission Détective est un éditeur ayant pour ambitieux objectif d'amener les jeux d'enquête à un niveau supérieur. Et on peut dire que sa première affaire, Le Silence de l'Ombre, s'est montrée à la hauteur de cette ambition. Pour en savoir plus sur ce projet, nous avons échangé avec Alexandre, cofondateur de la maison d'édition. Voici l'interview !
Qui est derrière le projet Mission Détective ?
Alexandre : Nous sommes deux associés dans le projet : Chen et moi (Alexandre), tous deux passionnés d’enquêtes, de mystères au sens large, de séries policières et d’escape games.
Créer un jeu d’enquête comme Mission Détective nécessite de nombreuses compétences. Pouvez-vous nous présenter l’équipe qui vous entoure ?
Alexandre : C’est totalement vrai, cela ne se voit pas forcément en regardant uniquement la boîte du jeu, mais les enquêtes que nous concevons vont bien au-delà des jeux traditionnels. Afin de rendre l’enquête vraiment immersive, nous avons développé une interface qui permet au joueur d’être en contact en temps réel avec plusieurs membres du département de la police criminelle en charge de l’enquête (un peu comme une application Zoom ou Teams). Notre interface permet également aux joueurs de faire de véritables visites virtuelles de certains lieux en lien avec l’enquête. Donc, pour répondre à la question, pour la partie histoire, notre équipe se compose d’un scénariste et de plusieurs « game designers ». Pour l’interface digitale, nous avons un développeur informatique ainsi qu’un infographiste. Il y a ensuite toute la partie en lien avec les vidéos qui permettent de mener les interrogatoires, pour laquelle nous avons un réalisateur, des ingénieurs du son et de l’image, un scénographe, une maquilleuse, une régie, un monteur, etc. ; une véritable équipe de tournage professionnelle. Nous avons également une petite équipe pour le marketing et la vente.
Comment avez-vous rassemblé tous ces talents ?
Alexandre : Nous avons eu pas mal de chance ! Je connaissais déjà une bonne partie de l’équipe (développeur, infographiste, scénographe), le reste est issu de recommandations, ainsi que quelques petits coups de chance qui nous ont permis de rencontrer les bonnes personnes.
Comment l’aventure a-t-elle commencé ? Parlez-nous de vos débuts.
Alexandre : Le déclic a eu lieu il y a très longtemps en fait ! Quand j’étais étudiant, j’adorais les jeux de rôle comme D&D (les connaisseurs reconnaîtront). J’écrivais des scénarios, j’adorais créer des histoires, des quêtes (presque des enquêtes), mettre en place des énigmes, comprendre la psychologie des joueurs pour donner du relief aux aventures. À cette époque, j’ai également créé un jeu de société un peu dans le genre du Risk ; je l’avais envoyé à tous les gros éditeurs… mais sans réponse.
Par la suite, je suis devenu entrepreneur dans un domaine qui n’a rien à voir (la fabrication de cosmétiques). J’ai vendu mon entreprise en 2023. Après quelques mois de break pour souffler un peu, je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire. Je cherchais quelque chose qui me passionne vraiment, quelque chose de stimulant, avec du sens, et qui rapproche les gens… Il est apparu comme une évidence que c’est vers l’univers du jeu que j’allais m’orienter. Puis, en agrégeant mes envies (principalement l’écriture de scénarios et la création d’énigmes) et une étude de marché, l’idée de créer un jeu d’enquête s’est imposée comme une certitude et un challenge très excitant ! (il y a eu des centaines de défis à relever.)

Qu’est-ce qui distingue Mission Détective des autres jeux d’enquête ?
Alexandre : Mission Détective est né d’une envie très simple et très complexe en même temps : aller plus loin que tout ce qui existe déjà sur le marché ! Plus loin dans le réalisme, plus loin dans la profondeur du scénario, de l’histoire, des personnages et bien sûr des énigmes.
Sans « spoiler » quoi que ce soit, ce qui distingue Mission Détective de la majorité des jeux d’enquête est certainement le travail autour de l’histoire et des énigmes. Nous avons voulu concevoir le jeu comme une véritable enquête où l’histoire a un rôle central, une histoire profonde avec de vrais personnages dont la personnalité a été travaillée comme dans un film ou une série ; c’est-à-dire, l’opposé d’une histoire qui sert juste de justification pour enchaîner des énigmes et des étapes. Les énigmes sont le second point que nous avons essayé de travailler très en profondeur. Toutes nos énigmes sont 100 % innovantes, complexes, cohérentes et 100 % en lien avec l’histoire. Pas question que le code soit, par exemple, le numéro de plaque d’immatriculation de la voiture qui vient de passer… Cela n’a aucun sens, et pourtant nous avons déjà vu ce genre de chose. :)
Le Silence de L’Ombre est votre premier épisode édité. Pouvez-vous nous en faire le pitch pour nous mettre l’eau à la bouche ?
Alexandre : Une victime est découverte, la bouche cousue, un message énigmatique dissimulé à l’intérieur. La victime a été retrouvée agenouillée, ses mains jointes et ligotées, vêtue d’une robe blanche. Mêlant symboles religieux, références artistiques (Raphaël, Léonard de Vinci) et énigmes scientifiques, notre scénario rappelle un style à la Da Vinci Code… mais en beaucoup plus immersif ! Car le détective, c’est vous ! L’enquête se caractérise par une interactivité en temps réel qui renforce la sensation d’immersion. L’absence de règles fixes permet à chaque enquêteur de prendre le contrôle de l’histoire en sortant de l’interface afin de mener des investigations dans le monde réel : appels téléphoniques, e-mails, réseaux sociaux, recherches sur Google, et même exploration de villes ; l’ensemble offrant une expérience qui va bien au-delà du simple jeu.
Combien de temps vous a demandé le développement de ce premier épisode ?
Alexandre : C’est un processus assez long : environ 15 mois. Il faut écrire l’histoire, puis créer une enquête autour de cette histoire, c’est-à-dire la manière dont les joueurs vont pouvoir remonter les pistes. Les énigmes sont également un défi en termes de création. Le niveau de difficulté doit être bien dosé ! Elles doivent être trouvables, mais pas faciles ! Ensuite, il y a les repérages, toute la réalisation (documents, vidéos, audios, photos, sites, etc.), les défis informatiques, la fabrication des boîtes, etc. Et voilà comment passent 15 mois en un claquement de doigts.
Quelle a été l’étincelle créatrice pour cet épisode ?
Alexandre : Je ne peux pas trop en parler sinon cela pourrait donner quelques indications aux futurs joueurs. Il n’y a pas eu une seule étincelle : c’est vraiment un gros travail de recherche et d’exploration de multiples pistes, jusqu’au moment où l’on se dit : "Whaouu, c’est ça !"

Aviez-vous des références en tête ?
Alexandre : Pour l’histoire, pas du tout : je n’aime pas utiliser de références ou me dire « ce serait bien de partir dans cette direction ». J’aime le processus de création où il faut partir d’une page vierge, explorer toutes les directions, jusqu’au moment où une évidence émerge. En revanche, pour la méthode, je suis un grand fan du dessinateur Hergé, perfectionniste du détail. Pour ne prendre qu’un exemple, et sans dévoiler trop d’indices, une partie de l’enquête se passe à l’étranger. Des clichés y sont pris à une certaine date et à une certaine heure. Nous avons alors recréé minutieusement la luminosité et les ombres de la photo pour nous assurer que tout correspondait parfaitement à la situation au moment où cette photo a été prise dans l’enquête. Ce n’est bien sûr qu’un exemple, mais nous avons fait énormément de recherches afin que rien ne soit laissé au hasard.
Aviez-vous des doutes concernant la possibilité de mener ce projet à son terme ?
Alexandre : Pas vraiment, la passion et l’excitation nous ont sûrement aveuglés. Nous étions tellement dans le projet, il y avait tellement de travail que nous n’avons pas vraiment eu le temps de nous poser trop de questions. Nous avons commencé très en amont les phases de tests avec des maquettes et de petits groupes de testeurs ; les retours étaient vraiment très positifs. Nous savions alors que cela allait être difficile, car nos ambitions en termes de qualité et de réalisme étaient très élevées, mais nous étions vraiment motivés.
Comment a été accueilli Le Silence de l’Ombre ?
Alexandre : C’est très simple : jusqu’à aujourd’hui, exactement 100 % des joueurs nous disent que c’est soit le meilleur jeu d’enquête auquel ils ont joué, soit qu’il fait partie de leur TOP 2 des meilleurs jeux. Nous en sommes très fiers, car c’est notre premier jeu, et un peu notre bébé.
Quels sont vos objectifs en termes de vente ?
Alexandre : Notre jeu est excellent, c’est maintenant une certitude ; le volume des ventes dépendra juste de notre capacité à le faire savoir… C’est encore un peu tôt pour que nous puissions juger de son potentiel complet.
Avez-vous une anecdote ou un souvenir marquant à nous raconter en lien avec cette belle aventure ?
Alexandre : On ne se rend pas compte, mais le tournage de toutes les vidéos est un travail titanesque : il faut repérer les lieux, faire des castings pour les acteurs, louer des tonnes de matériel, mobiliser beaucoup de personnes pour tout régler ; cela coûte très cher et le temps est compté. La pression est au maximum, car tout est planifié très en avance, heure par heure.
Ce jour-là, c’est presque la fin du tournage : nous avons une scène cruciale, la scène finale ! C’est dans un endroit très particulier, nous avons besoin de conditions ultra-calmes pour filmer. Nous décidons de filmer un dimanche matin très tôt, car normalement, il n’y a personne… Nous arrivons sur place et découvrons… que c’est la journée de la fête des vignerons : ça grouille déjà de monde, des camions déchargent à tout va, des stands se montent partout… Gros moment de panique pour nous !
Autre petite anecdote : nous avons appris en début de tournage qu’une des comédiennes qui intervient dans l’enquête est assez connue (séries TV, théâtre). Il y a eu beaucoup de défis à relever, mais nous avons également vécu beaucoup de belles surprises.
Avez-vous d’autres épisodes à venir ?
Alexandre : Oui ! Notre objectif est triple : faire au moins aussi bien que le premier, surprendre les joueurs, et écrire une histoire digne d’un blockbuster ! Nous avons du pain sur la planche !
