Chroniques du Nord : mon premier contact avec Frosthaven
Un récit de joueur endurci et légèrement courbaturé.
L’aube était froide ce jour-là, plus froide encore que d’ordinaire. J’étais en route vers le Relais, ce point de collecte oublié des dieux, où l’on dépose les colis comme on abandonne les héros à leur sort. Ce que je venais chercher n’était pas une simple boîte. Non. C’était Frosthaven, l’unique bastion au cœur du Nord impitoyable.
Mais je ne m’attendais pas à ça.
14 kilos. Oui, vous avez bien lu. Quand le responsable m’a tendu l’énorme carton, j’ai cru qu’il plaisantait. Mais non, le poids était bien réel, tout comme la douleur dans mon dos après avoir traîné cette monstruosité jusque chez moi. Cerise sur le goûter de repos : la boîte était abîmée. Coin enfoncé, impact visible... Comme si un porteur de Chronopost avait décidé de tester la gravité en lançant l’objet depuis un sommet enneigé. Rien de dramatique, mais pour ce prix, ça pique.
Une fois la boîte ouverte, la découverte est à la hauteur du mythe :
Des figurines plutôt jolies, une tonne de cartes, des éléments en pagaille, un plateau modulaire, un air de promesse d'aventure... mais hélas, des livres de règles et scénarios à la finition décevante. Papier fin, impression terne : à ce niveau de gamme, d'autres éditeurs font bien mieux.
Mais qu'importe ! J’enfile ma cape de mercenaire, j’ouvre le Scénario 0 pour goûter aux premières lueurs de l’aventure. Et là…
Le temps s'arrête. Littéralement.
30 minutes prévues, 2 heures passées à tourner les pages, chercher des réponses, décoder un système de règles aussi glacé que l’univers du jeu. J’ai dû faire appel aux oracles modernes (YouTube) pour comprendre ce que même les sages des règles n’avaient su rendre clair.
Heureusement, après quelques heures d’errance, le plaisir de jeu commence à se frayer un chemin : le système tactique est exigeant, mais gratifiant, les ennemis sont bien automatisés, et le niveau de difficulté — parfois brutal — peut être modulé avec intelligence. Mention spéciale au Marionnettiste et au Porte-bannière, qui offrent un bon équilibre pour les débuts.
Puis arrive la ville. La construction, les améliorations, la gestion du froid, les cartes... Là encore, beaucoup de potentiel, mais une explication sommaire et mal fichue dans les premiers scénarios. J’ai découvert les mécaniques au compte-gouttes, souvent par erreur ou omission. Le système des éléments (feu, glace, lumière, etc.) se noie dans des règles mal présentées, et on sent que le livret aurait gagné à être repensé.
Et le rangement... Ah, le rangement ! Un chaos polaire. Tout s’éparpille, se mélange, se perd. Rien que d’y penser, j’ai déjà moins envie de ressortir le jeu, et pourtant je n’en suis qu’au Scénario 4...
Mon verdict, pour l’instant :
Frosthaven est un monstre d’ambition, une boîte pleine de promesses, mais qui demande beaucoup de patience et de préparation. L’univers est riche, le gameplay profond, la narration intrigante... mais tout cela est freiné par une édition inégale, une ergonomie désastreuse et une accessibilité compliquée. Si vous êtes prêt à investir du temps, à plonger dans des forums, à organiser votre matériel comme un maître archiviste, alors peut-être, oui peut-être, Frosthaven vous livrera tous ses secrets.
Mais gare : l’hiver est long, et le découragement, glacial.