Pax Emancipation

Jeu découvert et acheté à l'automne 2023. Je poste mon commentaire avec six parties au compteur, en solo et en multi.

Comme l'a noté un autre commentaire, les deux notices sont complexes, à la hauteur du jeu. Il faut se réserver plusieurs jours pour les lire, et y revenir jusqu'à ce que tout soit bien compris et mémorisé, surtout qu'il y a beaucoup de micro-points, comme dans toutes les autres notices de Phil Eklund. Cela étant dit, comme dans ses autres jeux (tel High Frontier 4 All), les règles sont logiques et tout s'éclaircit en jouant, donc les premières parties serviront à peaufiner la compréhension. Il faut être patient. Mais l'investissement en vaut le coût.

Le jeu lui-même me passionne. La thématique est très sérieuse, l'implémentation historique est très travaillée (malgré quelques petites erreurs historiques). Le jeu est vraiment un jeu US avec une grande liberté, et c'est fondamentalement un jeu coop (même si le jeu complet se termine par un second temps compétitif).

Le jeu comprend trois personnages : l'État britannique ; les missionnaires ; les commerçants-philantropes. Chacun a quelques petits avantages et règles spécifiques. Si l'on joue en solo ou à deux il faut deux personnages dont l'État britannique car seul lui peut poser des soldats. Les missionnaires peuvent arriver dans des zones du globe sans coût. Les commerçants ont des avantages financiers dont on comprendra l'intérêt très vite.

On fait à chaque tour deux actions parmi six possibles, avec des conditions et généralement un coût ; puis on fait autant d'opérations que l'on a d'agents (les pions joueurs) posés sur des cartes Idées ou sur des cartes Révolution (qui sont dans deux rivières de cartes) ; ensuite, des événements ont lieu sur la zone où sont tournés les médias mondiaux, via des dés, et c'est souvent très violent ; une éventuelle phase révolution si une carte révolution en jeu aboutit ; enfin on rafraîchit les rivières de cartes ; puis on passe au joueur suivant. Voilà en gros la structure de chaque tour pour chaque joueur.

La difficulté du jeu vient du fait que l'on joue contre le jeu, que celui-ci est très violent, et que le temps et les ressources sont limités. Libérer des esclaves (représentés au début du jeu par les cases noires sur les cartes représentant le monde) coûte de l'argent ou nécessite des conditions précises, toutes nos actions étant gênées par des entraves qui se tiennent et se renforcent les unes les autres dans chaque zone du globe (les navires représentant le traffic du "commerce du sang" qui empêche les suffrages, les barrières spécifiques à chaque zone qui déterminent les événements, le nombre de personnes serviles dans chaque zone qui détermine le nombre de dés événements etc etc).

Enfin, si la thématique du jeu est l'émancipation des esclaves et des statuts, le jeu porte aussi très largement sur la colonisation occidentale au 19e siècle, ou sur la circulation des idées (avec beaucoup de penseurs occidentaux connus mais aussi énormément - 1/3 - de penseurs ou événements du reste du monde) ; sa gestion du capital et de l'argent (tirée de Pax Transhumanity) est également très intéressante. Bref, c'est un jeu très complet, où chaque partie déroule un récit. Le grand nombre (99) de cartes idées, et les combinaisons pour légiférer à partir des Idées, le nombre de révolutions possibles (20), les possibilités différentes selon les personnages joués (État britannique, missionnaires, commerçants), ou encore les stratégies possibles sur la carte du monde, et bien sûr le hasard des événements, donnent à mon avis une excellente rejouabilité. Et c'est juste incroyable d'avoir un tel jeu expert avec une telle richesse dans une si petite boîte !! (Et tout tient -très juste- avec les cartes sleevées si on utilise des sleeves fines à condition de faire un peu de Tétris pour ranger).

Pour toutes questions sur les règles, écrivez-moi sur BGG à @Arnold_Lyon ^_^

Un jeu aussi incroyable et riche qu'il est difficile à appréhender (d'où seulement 4 étoiles). Cette difficulté vient à la fois du fait que les mécaniques ne ressemblent à rien d'autre (si ce n'est Pax Transhumanity, excellent lui aussi, sorti après et qui reprend certains concepts) et des livres de règles (oui il y en a deux) dont la densité et la complexité en font un vrai challenge cognitif.

Mais une fois maîtrisée, la bête offre une grande profondeur de jeu , au service d'une thématique on ne peut plus sérieuse et grave (l'esclavage).

Aussi bon en solo qu'à plusieurs, Pax Emancipation est, avec son matériel minimaliste, un monstre ludique dans une toute petite boîte.